Communiquer dans les circonstances actuelles est une mise en pratique de la communication de crise. Il s’agit de transmettre des messages précis, dans un contexte incertain, avec toujours en vue certains objectifs différents pour chaque émetteur. Nous avons tenté, ici, une explication, et de décortiquer certains aspects et particularité dans l’éclairage de la pandémie actuelle.

 

Avec la pandémie de Coronavirus, la majorité des entreprises et des organisations ainsi que les autorités, évidemment, ont dû communiquer très rapidement et le plus efficacement possible à leurs clients, employés et au grand public selon leur domaine d’activités.

Toutes et tous ont également dû adapter leur langage aux nouveaux éléments qui se présentaient pour pouvoir transmettre leurs messages à leurs publics. Les gouvernements aussi ont dû prendre la mesure des événements et adapter leur communication aux nouveaux défis qui les attendaient, aux postures qu’ils souhaitaient adopter et aux décisions prises. Toutes et tous ont dû changer leur vocabulaire. Les mots prononcés, les phrases utilisées, dans ce contexte particulier, révèlent une importance toute particulière. Le langage non verbal, celui qui réside dans l’attitude, les postures et dans les gestes, a également été pensé. Cependant, nous nous intéresserons plutôt dans cet article à la manière dont les entreprises, organisations et individus, ont géré leur communication. Leur faculté d’adaptation ou non à la situation, leur réponse, les messages qu’ils ont diffusés, ont influencé leur survie et la poursuite de leurs activités.

Ainsi, les entreprises privées ont utilisé un langage particulier avec pour constante une communication qui se veut rassurante, bienveillante et proche des consommateurs. Les slogans employés sont l’exemple même de cette stratégie : “Coronavirus : Migros est à vos côtés.” La COOP a adopté plus ou moins le même discours :  “Nous sommes là pour vous.”

Il en va de même pour les acteurs du domaine public, au début de l’épidémie, qui hormis cette volonté de ne pas provoquer plus d’incertitude et de panique, ont également adopté une position plus “paternaliste” en prodiguant des lignes directrices et des conseils. Certains chefs d’états ont également fait montre d’un esprit combattif et guerrier, démontrant leur engagement à se battre contre le virus. Emmanuel Macron, lors de son premier discours officiel sur la pandémie, le 16 mars, a adopté un langage belliqueux et guerrier, voire martial, “Nous sommes en guerre”, a-t-il répété à plusieurs reprises. Combattre un ennemi invisible et insaisissable avec les mêmes armes qu’un ennemi fait de chairs et d’os est impossible en réalité, mais faisable avec les mots. Il s’agit d’ailleurs du même vocabulaire que celui employé par François Hollande lors des attaques terroristes sanglantes et dramatiques, en 2015, sur le territoire français, un virus meurtrier ayant les mêmes caractéristiques d’insaisissabilité et d’inconnu qu’un groupe de terroristes. Il est impossible de savoir quand et comment il va frapper, même si les moyens de lutte ne sont pas les mêmes. Le but étant dans les deux cas d’éviter la panique, de rassurer la population en promettant un engagement sans faille de la part du gouvernement. Angela Merkel a évoqué l’histoire et la guerre dans un autre contexte. Elle a déclaré que « la pandémie du Covid-19 représentait « le plus grand défi auquel l’Allemagne a dû faire face depuis la Seconde Guerre mondiale ». Donald Trump, quant à lui, est resté semblable à lui-même, totalement empêtré dans ses contradictions, menant le pays dans une catastrophe certaine, privilégiant dans un premier l’économie à la vie de la population.

En Suisse, l’attitude de notre gouvernement a été plus mesurée et moins menaçante, peut-être parce qu’ici, sept personnalités s’expriment. La transparence était toutefois de mise. Un vocabulaire plus mesuré, sonnant plus juste, parfois critiqué justement pour son manque d’engagement et de mesures choc – ne serait-ce pas l’expression de la traditionnelle neutralité suisse ? –  Tout en employant un vocabulaire rassurant, le Conseil fédéral n’a pas cherché à cacher sa méconnaissance et sa relative impuissance face au virus en tâtonnant et en appelant à la responsabilité individuelle et à la solidarité. « Chacun et chacune a un rôle à jouer. Tout le monde est concerné », « Ce n’est pas le confinement qui nous protège, c’est notre comportement » , selon Alain Berset. Il faut croire que cette attitude et le discours a plutôt bien fonctionné puisque la Suisse amorce la réouverture des écoles, des commerces et des bars et des restaurants grâce au ralentissement de l’épidémie et pour face à la pression de l’économie.

Les annonces se sont succédé avec la même mesure et le même ton. Il en a résulté des phrases cultes, comme celle d’Alain Berset: ” Il faut agir aussi vite que possible et aussi lentement que nécessaire.” Typiquement suisse. Elle est aujourd’hui imprimée sur des tee-shirts vendus au profit de la Chaîne du bonheur, qui reversera les fonds recoltés à des œuvres d’entraide travaillant en Suisse.

Les autorités publiques, que ce soit au niveau fédéral ou cantonal, ont utilisé un mélange de ces postures tout en se posant comme garants de la santé, de la sécurité et du bien-être de la population en communiquant sur leur maîtrise ou non de la situation.

 

Les petites entreprises locales ont dû se battre pour pouvoir survivre. Si certaines ont cessé toute activité, en raison des décisions du Conseil Fédéral, les autres ont rivalisé d’ingéniosité pour pouvoir continuer : livraison à domicile, plats à emporter, télétravail, services particuliers. Si elles ont survécu, c’est grâce à leur communication sur les activités qu’elles menaient en dépit des circonstances et à leur capacité d’adaptation. En se servant, également, des canaux de communication de leurs clients en cette période d’isolement : les réseaux sociaux et/ou les médias. Elles ont adapté leurs services aux conditions nouvelles et ont donc misé, avec raison, sur le soutien de leurs clients et sur l’aspect local de la production : Expansion des horaires et des zones de livraison, annulation des frais, offres spéciales « confinement », vente à l’emporter. Ces petits commerces ont utilisé un langage particulier dans leur communication : de produits du terroir, consommer local, littérature Suisse, produit ici. Et cela a marché. Beaucoup de consommateurs ont découvert ou redécouvert la vie économique de leurs villes ou villages, les commerces de proximité qui ont certainement pu survivre. Ils ont pu gérer la crise en redoublant d’efforts et d’imagination en utilisant, eux aussi, des moyens de communication et un langage particulier, celui de l’ingéniosité et de l’adaptabilité. Ils ont su également mettre en avant le bénéfice de l’initiative individuelle et surtout, profiter de l’impact négatif de la propagation du virus sur l’image de la globalisation et la valorisation, à contrario, de l’idée nationale et locale.

D’autres acteurs, les organisations non gouvernementales, ont, elles aussi, pris le parti d’adapter leur communication à la crise ou même pour certaines d’entre elles d’en tirer profit. Oui, car une crise peut aider à collecter des fonds pendant des périodes où les gouvernements ou les autres bailleurs ne peuvent plus suivre, car ils doivent déjà débloquer des fonds supplémentaires pour parer au plus urgent… Certains donateurs individuels, qui donnent déjà en temps normal – avec des situations financières aisées -, touchés par les événements et généreux, sont plus enclins, comme ils dépensent moins, à soutenir les populations qui n’ont pas la même chance. Ainsi, les ONG, humanitaires surtout, communiquent sur l’urgence sanitaire à l’étranger pour pouvoir poursuivre leurs activités. D’autres comme la chaîne du bonheur collectent des fonds pour aider les personnes qui se retrouvent dans des situations précaires en Suisse, cela fonctionne et c’est extrêmement positif.

Toutes ces stratégies de communication ont été réfléchies et répondaient à des objectifs propres à chacun des acteurs de notre société. Tous, – mis à part les médias, qui ne faisaient que de remplir leur rôle d’information, avec plus ou moins d’éthique – avaient quelque part, au fond de leur manche-, une stratégie de communication de crise à appliquer.

Les individus, eux, privés de tous les rapports sociaux, hormis ceux du cercle familial proche, ont dû réinventer leurs moyens de communication et leur type d’expression. Ainsi, les outils digitaux ont eu la côte. Explosion des messages sur Whatsapp ou Messenger, boom des systèmes de téléconférence comme zoom ou meet. Ceci prouve une fois encore le rôle primordial de la communication et de l’usage des mots. Avec le déconfinement, ils devront adopter, en raison du maintien des gestes barrières, de nouvelles formes de rapports sociaux et de communication.

La crise a révélé avant toute chose l’importance de la communication au sein de notre société et l’impact qu’elle peut avoir sur chacun. A nous d’en tirer les leçons positives et négatives.